À l’Espace Catastrophe, la ‘médiation’, ça se vit dans les corps!

Actus-16.09_NUIT_DU_CIRQUE-copyright-juliette-Lemonnier

La médiation, c’est l’art de faire participer tous les publics à la vie artistique. Très à la mode, le mot est loin de sonner creux à l’Espace Catastrophe! Depuis sa création en 1995, on y brasse les genres & les gens, dans un souci constant de puiser dans le Cirque la plus belle des capacités : celle de se dépasser soi-même, quel que soit son terrain.

« J’ai la conviction que tout le monde peut trouver sa place à l’Espace Catastrophe, de la grand-mère de 65 ans qui a mal au dos à la jeune diplômée d’une école de Cirque ! C’est une structure qui t’aide à te révéler toi-même, un lieu animé d’une grande complicité et d’une grande confiance. » Avec une infinie douceur, Sophie Leso, artiste, formatrice et metteure en scène, brosse le portrait d’un lieu qui l’a vue débarquer, toute jeunette, juste après sa rhéto en 2000, pour suivre la Formation Préparatoire aux Arts du Cirque & de la Scène. Le parcours de Sophie offre un point de vue saisissant sur l’ADN de l’Espace Catastrophe, qui vise à vous faire expérimenter ce que vous pensiez vous-même ne jamais tenter un jour !

Tour à tour participante à des Cours, artiste complice d’une création au long cours (Complicités, Aujourd’hui je suis content d’être ensemble!), formatrice en mouvement (cette saison notamment), spectatrice de spectacles bien sûr, Sophie Leso travaille également aujourd’hui comme metteuse en scène. Elle a notamment dirigé « Hyperlaxe », élu Meilleur spectacle de Cirque aux Prix de la Critique en 2017, où l’on retrouvait Axel Stainier, un artiste qu’elle avait rencontré sur « Complicités » ! « L’une des clés de la médiation à l’Espace Catastrophe », estime-t-elle, « c’est la rencontre et les échanges par la pratique entre les artistes professionnels et tous les publics. Ce n’est pas un mot, c’est une réalité : la ‘médiation’, ça se vit dans les corps ! »

« Médiation » : un mot magique aujourd’hui, jusque dans les couloirs des Ministères. « Franchement, je n’avais jamais pensé au mot ‘médiation’ avant que je ne l’entende sur toutes les lèvres. Pour moi, c’est une évidence, il ne faudrait même pas devoir la nommer : il faut surtout la vivre au maximum ! », s’exclame Catherine Magis, fondatrice de l’Espace Catastrophe en 1995. Et l’on sent que c’est bien cette conviction qui a fondé l’outil lui-même – et non pas l’outil qui a créé la conviction ! « Quel est l’intérêt de faire un projet artistique si ce n’est pas pour – au moins un peu – changer la vie des gens ? », poursuit la directrice, convaincue (et convaincante) que le Cirque pourrait être l’échelle qui permettra à tous les publics de gravir des montagnes. « Travailler au développement du secteur du Cirque, c’est permettre la rencontre et la coopération entre tous ceux qui le font vivre et grandir : les artistes professionnels, bien entendu, mais aussi les spectateurs des spectacles, les pédagogues, les participants des Cours et des Stages, les voisins, les professionnels du bout du monde,… À l’Espace Catastrophe, nous n’envisageons pas le Cirque comme un produit à fournir ficelé à des consommateurs, mais comme un bien commun à explorer avec tous ses ‘Spect-Acteurs’. »

Cercles vertueux.

Si l’Espace Catastrophe multiplie les outils à destination de la création de spectacles (LABO-ratoires, Résidences, soutien à la Création, Diffusion, programmation du Festival ou de la Saison « UP! »), ce Centre International de Création ne vise pas que les artistes professionnels. D’ailleurs, la première fois qu’Audrey Bossuyt est montée sur le fil (pour ne plus jamais en redescendre ou presque), elle avait 39 ans. « Je suis arrivée comme secrétaire aux tous débuts (héroïques) de l’Espace Catastrophe, en 1998. J’étais très attirée par l’endroit, que j’avais d’abord connu comme spectatrice. J’ai des souvenirs géniaux du premier spectacle que j’ai vu : je me souviens de Mathieu Moerenhout qui faisait du monocycle et d’une horloge géante ! Mais je ne me doutais pas de la suite… » Après avoir suivi des cours de fil de fer avec Catherine Magis, Audrey Bossuyt se spécialisera en funambulisme avec Denis Josselin au Centre européen de funambulisme. C’est là qu’elle rencontrera son « binôme » artistique, Marta Lodoli, après sa « première traversée au-dessus du canal sans être longée ». Ensemble, elles mènent aujourd’hui les jolis pas aériens de la Compagnie des Chaussons Rouges, qu’elles ont fondées en 2012. « Je trouve très chouette que l’Espace Catastrophe s’adresse autant aux ‘Pros’ qu’aux ‘Acharnés’, les Amateurs des Cours du Soir », affirme Audrey, dont le parcours est lui-même une parfaite synthèse de ce cette « médiation » et des cercles vertueux qu’elle entraîne.

Ce n’est pas Tom Boccara qui la contredira : gamin, comme il habitait rue de la Glacière, il venait faire du skate dans la cour de l’Espace Catastrophe. Même s’il est aujourd’hui réalisateur, diplômé de l’IAD en Fiction Cinéma, c’est d’abord au Cirque qu’il a succombé. Toqué des pistes dès ses 3 ans et demi, il multipliait les cours à l’Ecole de Cirque de Bruxelles. En grandissant, outre le skate, son contact avec l’Espace Catastrophe se noue comme spectateur. Il suit avec avidité les premières Pistes de Lancement (devenues Festival UP!), au début des années 2000. « Mon père est photographe, passionné des scènes, on y allait ensemble », se souvient-il. Dans la même logique, il ne tarde pas à monter en scène, formant un trio de jonglerie avec Martin Hernalsteen et Gaëlle Coppée (qui formeront plus tard la Compagnie Scratch). Ses études à l’IAD mettent le Cirque entre parenthèses. Mais chassez le naturel, il revient par le boulot ! « Un déclencheur, c’est quand je me suis inscrit dans l’équipe des bénévoles du Festival UP! J’avais envie de m’investir dans le projet, j’avais un peu de temps au sortir de mes études. » Grand bien lui en prend, puisqu’il rencontre à cette occasion une bande qu’il ne lâchera plus : les « Zoufs », selon leur nom de code – entendez les artistes handicapés mentaux du spectacle « Complicités ». « J’ai eu une sorte de coup de foudre, et j’ai eu envie de faire un film avec eux. Nous avons mis sur pied des Ateliers Cinéma pour eux à l’Espace à Catastrophe, ce qui a permis la préparation du film. »

N’allez pas croire que tous les spectateurs ou participants passés par l’Espace Catastrophe deviennent metteurs en scène… mais Tom Boccara a pu expérimenter cela aussi. C’était la rencontre entre le Cirque et l’univers du cinéma de « À nos fantômes », la puissante première création des Menteuses. « Catherine Magis et Benoît Litt ont donné à l’Espace Catastrophe cette élan de mise en contact et de rencontres. Le Cirque a de grandes capacités inclusives, par son goût naturel pour le mélange des arts », analyse l’artiste, en pleine réflexion pour de nouvelles pistes « Cirque & Cinéma », « ces vieux cousins ».

Le temps : facteur numéro un.

On le voit : tous ces parcours, comme ceux des milliers d’artistes passés depuis 25 ans rue de la Glacière, s’inscrivent dans le temps. « C’est le facteur numéro un de la médiation », confirme Dirk Deblieck, coordinateur général de La Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek. Depuis de nombreuses années, sa belle Maison collabore avec l’Espace Catastrophe à un même objectif : injecter le virus (positif !) du Cirque à un maximum de spectateurs ou de participants. « Rien n’est jamais gagné. Depuis que notre structure existe, nous cherchons les passerelles entre le Cirque et les habitants. Ce n’est pas facile, parce que certains spectateurs sont mal à l’aise de voir les jambes nues, ou les formes des acrobates. Notre défi, c’est de faire venir des gens en salle pour le cirque. Quand c’est le Festival UP!, aucun souci, tout Bruxelles qui déboule ! Le challenge, c’est en dehors de cette période d’intensité. On trouve des solutions ! Cet été, avec l’Espace Catastrophe, on a programmé du Cirque en extérieur, dans les parcs de la Commune – notamment avec « Cruda » du Collectif à Sens Unique et « Jump » de Che Cirque. Ça a très bien fonctionné ! »

Formation, Diffusion, Création, partage de Work in Progress,… Tous les canaux comptent en matière de médiation. Un principe qui percole peu à peu dans l’esprit des pouvoirs publics. « En 1995, l’Espace Catastrophe, basé sur la complémentarité des activités, est arrivé comme un ovni dans les arts de la scène », observe Benoît Litt, codirecteur. « Les pouvoirs publics ne comprenaient pas bien ce qu’on allait faire exactement, ils auraient préféré qu’on se focalise davantage sur un type de publics. Mais l’Espace Catastrophe, ce n’était pas ‘un peu de tout’, bien au contraire, c’était ‘un tout’. Et ça l’est resté. Aujourd’hui, ce qui était une exception est devenu la règle. Tous les lieux, tous les théâtres, sont invités à aller vers les publics. »

Même si c’est le crédo de l’Espace Catastrophe depuis ses débuts, il est fondamental de ne pas s’endormir sur ses lauriers. Catherine Magis trépigne de pouvoir mettre en place de nouveaux liens, notamment avec les adolescents. « Si tu parles de médiation, c’est la base », dit-elle. « Ils sont le futur ! » Et bien sûr, l’Espace Catastrophe rêve d’un lieu plus ouvert, plus grand, plus pratique, pour aller à la rencontre des publics. « Ce serait génial », indique Sophie Leso. « La porte symbolique est déjà grande ouverte. Et ce sera encore mieux quand une nouvelle localisation permettra d’avoir pignon sur rue – avec une vraie porte visible de tous ! » En attendant, on pourra notamment s’encanailler et s’encircasser dans toutes les glacières de Saint-Gilles, à l’occasion de la Nuit du Cirque, en novembre. « Un bon prétexte pour mélanger des bénévoles, des étudiants de l’Esac, des artistes professionnels et les spectateurs », annonce Catherine Magis. Car oui, la médiation, ça se crée de jour comme de nuit !

 

Plus d’infos sur les actions développées par l’Espace Catastrophe : https://catastrophe.be

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