RECLAIM : la force irrésistible du collectif.
« En quelques minutes, RECLAIM, la nouvelle création circassienne de Patrick Masset avec le Théâtre d’un Jour, cloue les spectateurs sur leur siège », écrit Le Soir, face à ce spectacle d’un autre genre, à vivre comme une saisissante expérience immersive. En Cirque & en Musique, RECLAIM s’impose comme un magnifique écho à « Strach, a fear song », précédente création de la Compagnie qui a durablement marqué les esprits. Quel meilleur rendez-vous pouvait imaginer UP - Circus & Performing Arts pour lancer sa Saison de Spectacles ? Ne traînez pas : prenez vos billets pour ce voyage hors du commun, où la force du collectif se démontre non pas par les mots, mais par la peau.
Patrick Masset n’est sans doute pas homme à faire des concessions. Privé de la tournée internationale de Strach, a fear song pour cause de confinement, le metteur en scène a forgé un nouveau spectacle comme on réclame un dû. RECLAIM, inspiré tout à la fois par les mouvements écoféministes américains et les rituels oubliés d’Asie Mineure, se présente moins comme un spectacle que comme une expérience à vivre de très près, tous les sens en éveil ! Au centre d’une petite piste blanche, le Cirque rencontre l’Art lyrique, pour un « rituel imaginaire », ainsi que le nomme Patrick Masset. Une chanteuse lyrique, deux musiciennes au violoncelle, une voltigeuse, deux voltigeurs et trois porteurs nous emmènent dans un monde qui se passe quasiment de mots, mais où le Cirque « porte la voix », au sens propre.
Après la création en mars dernier, puis une tournée passée notamment par le Fringe Festival en Ecosse cet été, on retrouve Patrick Masset pour parler du spectacle qui ouvre la Saison de UP – Performing Arts. De quoi lever un coin de toile, avant votre visite en vrai sous ce chapiteau pas comme les autres…
Le nom du spectacle, RECLAIM, a tout du manifeste. Peux-tu nous expliquer le choix de ce titre ?
C’est un appel à de nouveaux rituels, dans un monde qui est en train d’en perdre le sens. Dans la lignée de Srach, a fear song, j’avais envie de continuer à explorer la proximité avec le public, l’intensité des corps en présence. Nous avons besoin de cette proximité, de circulaire et de sacré. RECLAIM vient de là : d’une envie de créer un rituel imaginaire. Comment se réapproprier ce dont nous avons été privés ? Comment retrouver ce que nous avons perdu ?
La notion de « reclaim » est apparue dans les mouvements de luttes écoféministes aux Etats-Unis, dans les années 70. Elle exprime la volonté des femmes de construire un rapport égalitaire avec les hommes et un lien pacifié avec la nature. C’est un mouvement qui a inspiré et inspire encore énormément de personnes, hommes ou femmes, à travers le monde. Le spectacle s’inspire aussi du rituel Ko’ch en Asie Centrale, où la plupart des chamanes sont des femmes.
Le titre est aussi un clin d’œil au fait que le Covid a privé notre compagnie d’une grande partie de la tournée de Strach, a fear song : il s’agit à présent de se réapproprier ce qui était amorcé !
À quel type de rituel nous convie le spectacle ?
Nous ne sommes pas des chamanes ! Nous sommes au Théâtre bien sûr, dans l’univers de l’imagination. Nous rêvons de proposer au public de vivre une expérience partagée qui nous amène à l’action. Sur la petite piste, les corps racontent des choses différentes à tout le monde. L’équipe est paritaire : quatre hommes et quatre femmes. Nous explorons d’autres formes de liens. Le rituel est mené par les femmes, et les hommes ne sont pas nécessairement ceux qui portent les voltigeuses. Blandine, chanteuse lyrique, participe au travail acrobatique, en chantant. Claire et Eugénie, les deux violoncellistes, se lancent aussi physiquement sur la piste. C’est un rituel inspiré d’une foule de sources, mais qui reste imaginaire.
Comment le public réagit-il depuis la création en mars dernier ?
Les réactions sont hyper positives ! Je pense que RECLAIM touche le public à un autre endroit que Stratch, a fear song, mais ça marche tout aussi bien. La proximité est telle que tu perçois vraiment la vibration des spectateurs, leur énergie, leur implication. À dire vrai, à chaque représentation, c’est la standing ovation. Je ne dis pas que tout le monde aime… Mais ce mouvement collectif montre bien que quelque chose se passe.
Les références de RECLAIM sont en partie intellectuelles et politiques. Mais sur la piste et dans les gradins, ces idées passent davantage par le corps que par le cerveau. C’est important pour toi ?
Un spectacle qui est porté par la seule volonté de « faire comprendre quelque chose » ne m’intéresse pas. Je cherche une forme plus essentielle, qui permette d’être touché par d’autres canaux que les mots. Je viens du monde du Théâtre, et je trouve qu’il a beaucoup perdu en sensations, en secousses : tout part du texte, en oubliant les sens. C’est la raison pour laquelle je travaille avec des personnes venues du Cirque et de la Musique. Et c’est aussi pour cela que j’explore nos peurs primaires et la voix lyrique : ce sont des vibrations qu’on connaît tous. La peur et le chant sont des expériences communes. Cela nous rassemble, au-delà des mots.
Parmi les artistes qui me fascinent dans l’histoire des Arts de la Scène, le travail de la chorégraphe Pina Bausch est évidemment très inspirant : elle travaillait avec des danseurs extrêmement doués techniquement, mais elle ramenait tout à l’essentiel, à des gestes étranges et familiers. Elle allait chercher l’humain. Le public partage davantage une expérience qu’un récit linéaire. Et cette rencontre le transperce et le fait fondre.
Ma démarche ici n’est évidemment pas de me comparer à Pina Bausch ! Ce que je veux dire, c’est qu’en me dirigeant vers le Cirque et l’Art lyrique, je ne cherche pas la virtuosité, mais la puissance d’une expression pluridisciplinaire. Ce qui m’intéresse, c’est l’humain. L’équipe de RECLAIM est extrêmement chevronnée. Mais elle sait aussi que ça m’indiffère qu’on fasse un salto si ça ne me parle pas du monde dans lequel nous sommes réunis.
RECLAIM se jouera deux semaines sous chapiteau, sur l’esplanade de UP – Circus & Performing Arts. Une belle opportunité à Bruxelles ?
C’est essentiel ! Les spectacles ont tendance à être programmés sur des durées de plus en plus courtes. Pouvoir présenter 8 dates dans un même lieu, c’est fantastique. J’estime qu’un spectacle existe – dans sa forme définitive – après 50 représentations. Mais quel spectacle se joue autant ? Qu’un lieu à Bruxelles programme de longues séries en Cirque, c’est du jamais vu. Ça n’existe pas en Belgique. Il était plus que temps ! En outre, avant les Premières en mars dernier, nous avons passé quatre semaines de Résidence à UP. C’est un soutien fondamental, grâce auquel nous avons pu écrire une grande partie du spectacle, mais aussi travailler les costumes, la scénographie, les musiques. Et le brassage avec les autres artistes en Résidence ou en Entraînement est porteur aussi. Pratiquement tous les soirs, en fin de travail, les acrobates de RECLAIM ont travaillé dans les Open-space dédiés au Trainings avec d’autres artistes !
Tu es animé par un désir créatif qui dépasse l’esthétique. Un spectacle peut-il changer le monde ?
Ah ah ! Disons que quand un spectacle est porté par une équipe soudée, qui défend un propos nécessaire, il peut transformer les personnes qui le voient. Soyons clair : l’art est nécessaire, mais il ne change pas le monde. La seule chose qui peut changer par le biais de l’art, c’est le rapport de soi à soi, et de soi à ses enfants. L’art est nécessaire parce qu’il permet l’étincelle qui fera peut-être qu’une personne est transformée. Et c’est un beau début !
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Le spectacle RECLAIM est à découvrir Sous Chapiteau @ UP – Circus & Performing, dans le cadre des SERIES :
DATES :
- Jeudi 28.09 à 20h30
- Vendredi 29.09 à 20h30
- Samedi 30.09 à 19h
- Dimanche 1.10 à 17h
- Jeudi 5.10 à 20h30
- Vendredi 6.10 à 20h30
- Samedi 7.10 à 19h
- Dimanche 8.10 à 17h
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Photos © Danny Willems