Dansons sous la drache !

Résidence Accompagnée - Cie Scratch © UP - Circus & Performing Arts_Mathilde Schockaert-07

Sortez vos K-Way, ouvrez vos parapluies : la Compagnie Scratch va danser sous la pluie ! « Drache Nationale », c’est une ode à ces moments où tout semble partir de traviole, où les ennuis vous pleuvent littéralement dessus et où, pourtant, la dérision vient réchauffer l’ambiance comme une bonne soupe. Comment positiver quand tout part en cacahuète ? Gaëlle Coppée, Denis Michiels & Tom Boccara unissent leur goût du jeu pour nous prouver que le Cirque a des réponses très originales à cette problématique universelle. Avec un goût prononcé pour le bricolage & l’imagination, le trio s’amuse à bâtir des univers en deux coups de cuillères à pot, pour un rendez-vous irrésistible d’humanité.

D’après la légende, les peuples esquimaux ont une foule de mots pour désigner la neige. En Belgique, c’est logique, les mots abondent plutôt pour nommer la pluie. Ainsi la « drache » vous surprend d’un coup, par exemple quand vos amis arrivent pour un barbecue, ou à la sortie de votre mariage. Cas particulier, la « drache nationale » est celle qui inonde le défilé, le 21 juillet, jour de la fête nationale. Plutôt que rester sagement à l’intérieur, la Compagnie Scratch a décidé de s’élancer dans les bourrasques, avec une question lancinante, qui va comme un gant à notre début de siècle : « Comment positiver quand c’est la merde ? », énoncent en chœur et sans fausse pudeur Gaëlle Coppée, Denis Michiels & Tom Boccara, qui ont vu dans ce défi météorologique une puissante métaphore du courage qu’il nous faut face à l’adversité. Toquée du « less is more » [l’art de faire beaucoup avec peu], leur « Drache Nationale » nous harponne le chœur avec un art consommé de la dérision et de l’instant présent. Rencontre avec un trio aussi réconfortant qu’un bel anticyclone. 

 

Comment est née l’idée du spectacle ? 

Gaëlle Coppée : Par la pratique ! Je roulais à vélo, je montais péniblement une côte à Bruxelles, j’étais en retard et je ruminais à propos d’une rupture amoureuse. C’est ce moment où tu galères et où tu dis que ça ne pourrait pas être pire. Et bien sûr, une bonne grosse drache s’est mise à tomber. Tu pourrais tout laisser tomber. Mais l’art du cumul t’arrache presque un petit sourire. Tu dois accepter la situation et même idéalement en rire un peu. C’est vraiment là qu’est née l’idée du spectacle : quand c’est la merde, comment positiver ? 

Denis Michiels : C’est vraiment la question qui nous semblait collective à ce moment-là : on était en pleine vague du Covid et tout était chamboulé. En tant qu’artistes, l’une des seules activités permises, c’étaient les résidences. On avait envie de faire quelque chose de constructif, on a foncé. Et si notre résilience reposait justement sur la joie d’être ensemble, de chercher et de jouer ? Le spectacle est nourri et même fondé sur la joie de travailler ensemble, comme une réponse à l’adversité que tout le monde traversait – et traverse encore. 

 

 

Dans « Drache Nationale », vous semblez aussi vous amuser d’un rien qui raconte tout : deux arrosoirs deviennent une tempête, un tabouret devient un trône,… Et on y croit ! C’est tout l’art du « less is more » ? 

Tom Boccara : La phrase qui a guidé toute la création, c’est : « Comment faire avec peu ? ». Comment faire avec l’imprévu ? Les cadres habituels étant ébranlés, nous avons cherché des façons de jouer, de se rencontrer, de continuer à faire lien. Cette idée du « peu » est hyper stimulante dans la création. On invente un monde à partir de rien, comme l’enfant crée en jouant. On essaye de faire du grand avec du petit. En cours de création, on s’est d’ailleurs rendu compte que certains objets trop clinquants ne fonctionnaient pas ! On préfère des petites choses, achetées dans un magasin discount ou récupérées aux Petits Riens, qui rentrent dans un sac à dos. L’imaginaire peut être suggéré avec trois fois rien. C’est un réflexe qu’on a tous : on adore se raconter des histoires, parfois juste avec les mots. Je suis convaincu de la puissance des images quand elles sont suggérées par des choses simples. 

 

Depuis les débuts de la Compagnie Scratch avec « T.N.T. » en 2013, jusqu’à « Mousse » ou « Akokiya », la jonglerie est au centre de la création. Quel est son statut dans « Drache Nationale » ? 

Gaëlle : La jonglerie est une des sources importantes du spectacle. Mais il ne s’agit pas de mettre en avant la performance ou la technique. Notre envie, c’est d’arriver à raconter des choses avec le jonglage. On croise la discipline avec la danse, le jeu clownesque, le texte. Par exemple, on se donne pour base une situation merdique : ta première « boum » où tu te retrouves un peu coincé sur ta chaise, sans oser te lancer. Quelle jonglerie peux-tu trouver pour dire ce malaise ? La jonglerie n’est pas graphique ou mécanique. Elle intègre en quelque sorte l’échec et la performance, la réussite et la chute. Et ces contrastes peuvent aider à construire des situations narratives. On essaye que le jonglage soit tout le temps présent, même si le spectateur ne s’en rend pas compte. 

 

 

Un ingrédient important du spectacle, c’est aussi l’instant présent. Est-ce l’art du clown qui pointe le bout de son nez ? 

Tom : Faire du clown, c’est avoir 100 ans de métier ! On ne va donc jamais se prétendre clowns, mais c’est vrai qu’on aime ce qui le fonde : sa générosité, son honnêteté, la transparence de ses émotions. Ce sont les ingrédients de « Drache Nationale » : on travaille avec ce qui on est, dans une émotion sincère. 

Gaëlle : Oui, l’idée d’émotion est centrale. J’ai adoré la réaction d’un spectateur de « Mousse » qui m’avait dit : « J’ai vraiment bien aimé le moment où vous ne faites rien. » Les spectateurs retiennent l’essentiel de l’émotion, pas la virtuosité ou la performance. C’est le travail du clown : faire tomber les couches du vernis social, pour arriver à une fragilité. J’aime l’idée d’étendre cette notion au jonglage. 

Denis : On n’a pas envie de déconstruire l’idée de performance, mais on a plutôt créé « Drache Nationale » à partir de qui nous sommes : des personnages à qui il arrive des histoires banales. Mais en parlant de la banalité, on touche des thèmes universels, dans lesquels tout le monde devrait se reconnaître. 

 

Finalement, la virtuosité et l’audace du Cirque restent présentes, mais elles changent de rôle… 

Tom : C’est comme si la recherche était avant tout de faire vivre une émotion. La virtuosité n’est pas technique. Peut-être consiste-t-elle à oser se dévoiler ou à rester positif sur son vélo sous la drache ? En emmenant les spectateurs vers le banal, en osant nous livrer, on rejoint la mise en danger et la prise de risque propres au cirque ! 

 

 

Pour nourrir ces défis, on peut dire que vous êtes entourés d’une équipe de choc, en coulisses : un as du jonglage (Bram Dobbelaere, en conseiller artistique), une clown-pédagogue (Christine Rossignol-Dallaire) et un circassien qui aime réinventer les limites de son art (Gaël Santisteva, conseiller à la dramaturgie). Comment ça se passe, avec ces trois tigres.se.s dans le moteur ? 

Le trio : On est vraiment gâtés ! Christine Rossignol-Dallaire travaille le jeu et nous aide pour la traversée des états émotionnels. Bram Dobbelaere a un sens incroyable du potentiel d’une séquence. Il a d’ailleurs trois catégories : « bien », « moyen » ou « prout » ! Sa franchise nous soutient énormément. Gaël Santisteva nous invite à prendre le temps, à travailler sur le « rien », sur la fragilité. Ce sont des appuis très rassurants. Cela nous donne la confiance pour proposer beaucoup de matière… et l’humilité de ne pas tout garder ! 

 

————————————

Le spectacle DRACHE NATIONALE est à découvrir @ UP – Circus & Performing, dans le cadre des SERIES :

DATES : 

  • Jeudi 20.04 à 20h30
  • Vendredi 21.04 à 20h30
  • Samedi 22.04 à 19h
  • Dimanche 23.04 à 17h
  • Jeudi 27.04 à 20h30
  • Vendredi 28.04 à 20h30
  • Samedi 29.04 à 19h
  • Dimanche 30.04 à 17h

Réservez vos tickets >>> https://upupup.be/show/drache-nationale/

Photos ©  UP – Circus & Performing Arts | Mathilde Schockaert, Michiel Devijver & Thomas Andrien.

19.03.2024
Création

Mille Lundt au Japon : ‘Tout est une inspiration’

20.02.2024
Festival

JOB ALERT ! Renforts équipe Accueil & Billetterie

19.02.2024
Création

Les 7 Lauréat·es des Hivernales sont …