Courbatures : une bonne dose de punk pour défier le temps qui passe

Suspendues entre effort et défi, les artistes expriment avec intensité la résistance du corps face aux limites qu’il impose." (© Sébastien Armengol)

Si vous avez un petit coup de mou, entre hiver et printemps, un seul remède : courez voir le spectacle COURBATURES de Galapiat Cirque ! Cette ode aux articulations qui craquent et au temps qui passe vaut toutes les vitamines. Deux circassiennes et un musicien s’élancent pour un « concert physique » qui multiplie les défis, comme un pied de nez à l’âge qui avance. « Le Cirque met parfois les paillettes devant, pour cacher les douleurs derrière. Nous, c’est l’inverse ! », nous confie le trio, à quelques jours de leur arrivée à UP - Circus & Performing Arts. « Par son propos, ce spectacle s’adresse à tout le monde : vieillir, c’est une histoire humaine. Comment prendre des coups et rebondir ? ». Et si la meilleure réponse au temps qui passe et use les corps, c’était la fête ?

Ces trois-là ne cachent pas leurs fêlures : au contraire, le trio de COURBATURES en fait le sujet-même d’un spectacle aussi touchant que revigorant. Si les Artistes de Cirque osent parler de leurs failles, oserons-nous évoquer les nôtres ? C’est le pari d’Elice Abonce-Muhonen, Chloé Derrouaz & Marc Dupont, deux circassiennes et un musicien qui nous proposent un cocktail de feu : une bonne dose de punk pour défier le temps qui passe, sous forme d’un « concert physique » qui allie batterie, clavier, acrobatie, chant furieux et vélo d’appartement ! 

 

Entre humour et absurde, un combat énergique contre l’inéluctable passage du temps se joue sur scène. (© Sébastien Armengol)

Tout est parti d’un fait de vie : Chloé & Elice, amies depuis 20 ans, ont toutes les deux eu un défi de santé, qui les a amenées dans le même centre de rééducation. Et que font deux circassiennes à l’imagination débordante dans ce genre de circonstances ? Une esquisse de création ! « L’idée du spectacle est venue de façon très naturelle et instinctive », nous explique Elice Abonce-Muhonen. « On est parti de ce qu’on faisait pour se faire du bien et pour revenir à la pleine santé. Il n’y avait ni thème, ni script, rien n’était prévu d’avance ! » Très vite, le musicien Marc Dupont rejoint le duo – et il se reconnaît pleinement dans cette interrogation sur le corps, formant avec Elice & Chloé l’ironique Muscle Pain Crew (« L’équipe de la douleur musculaire »). « En musique aussi, le temps nous use. On a d’ailleurs composé une chanson qui dit « la vie, c’est porter du matos » ! Il y a plein de points communs entre la vie de musicien et la vie de circassien. » 

 

D’abord proposé sous forme de carte blanche, avec le soutien de Galapiat Cirque, COURBATURES va se développer au fil de Résidences que le trio mène dans un vaste réseau où le Cirque s’envisage de façon collective – on les voit au Cheptel Aleïkoum (à Saint-Agil, en France) ou au Burnt out Punks (à Stockholm, en Suède). Une manière de faire mûrir le propos et de le confronter à d’autres regards. Tous les partenaires confirment que cette dose de « concert physique » est à prescrire au plus grand nombre ! « Les toutes petites idées sont devenues grandes, mais sans pression », sourit Elice Abonce-Muhonen. 

 

Sans doute les spectacles les plus touchants naissent-ils d’une réalité de vie, plutôt que d’une idée froide. Avec le bien nommé COURBATURES, tout part des limites du corps et du défi de les dépasser. « Pendant notre rééducation, puis notre entraînement, on gueulait en faisant nos tractions. C’est devenu une chanson ! », sourit Chloé Derrouaz. « Le geste circassien amène à la création musicale. Nous faisons des choses que nous n’avons jamais faites : Marc est batteur, mais on lui a mis un clavier dans les pattes. Le spectacle est aussi un OVNI pour nous ! ».

Dans une atmosphère brumeuse et introspective, une acrobate semble suspendue entre résistance et abandon, symbolisant la lutte du corps face au passage du temps. (© Sébastien Armengol)

COURBATURES, c’est donc du Cirque autobiographique… avec la liberté de la fiction. « C’est nous, mais un petit peu exagérés : on se lâche plus, on va plus loin que dans la vie normale », résume Elice. « Personnellement, je joue le Docteur – ce que je ne suis pas du tout dans la vraie vie – mais en scène je m’appelle Marc Dupont, ce qui est mon vrai nom. Ça nous ressemble beaucoup », détaille Marc. « Le principe, c’est d’extrapoler », précise Chloé. « Nous n’avions pas envie de faire un spectacle-témoignage de ce qui s’est passé pour nous. On a souhaité élargir et déconner ! » En ligne de rire – en ligne de mire –, l’envie d’ouvrir le sujet du temps qui passe à toutes et tous, pas aux seul·es artistes. « Par son propos, ce spectacle s’adresse à tout le monde : vieillir, c’est une histoire humaine. Comment prendre des coups et rebondir ? », observe Marc. « Le Cirque met parfois les paillettes devant, pour cacher les douleurs derrière. Nous, c’est l’inverse ! », lance Chloé. « Nous abordons le Cirque comme une épreuve. Et ce propos est valable pour tout corps et pour tout métier. »

 

Galapiat Cirque, créé en 2006, fêtera ses 20 ans l’an prochain. Deux décennies, est-ce un siècle pour des Artistes de Cirque ? Comment vit-on le vieillissement en piste ? Le secteur privilégie-t-il la fougue de la jeunesse ? « Oui, 20 ans, c’est un siècle ! », s’exclame Chloé Derrouaz. « Le corps change énormément. En même temps, le Cirque a lui aussi beaucoup changé depuis qu’on a commencé. Le métissage des Arts s’est notamment développé, ouvrant à d’autres champs que la seule prouesse. Tout cela s’invente en cours de route : comment utiliser les bons vieux restes, jusqu’où et comment continuer, comment s’adapter ? » La technique et la virtuosité, observe l’équipe, restent au cœur des enseignements, notamment en écoles supérieures. Mais là aussi, les choses changent : « À l’époque, nos profs venaient plutôt de la gym et était obnubilés par le côté technique », poursuit Chloé. « Aujourd’hui, on se pose plus de questions par rapport à l’écoute de l’étudiant·e, au rapport homme-femme, à la notion de respect de que peuvent traverser les étudiant·es. À notre époque, il y avait beaucoup plus de tabous autour de ces questions. La pédagogie était moins attentive à l’humain. Il était temps que ça change ! »  

 

Une radiographie scénique du corps et de l’âme, où l’introspection et la vulnérabilité se projettent en pleine lumière. (© Sébastien Armengol)

Galapiat Cirque définit COURBATURES comme « un spectacle qui fait mal là où ça fait du bien ». Lu à l’envers, le mot « corps » ne donne-il pas « rock » ? Alors, quand tout part en sucette, quand le corps cherche son énergie, la meilleure réponse pourrait être la fête. « Chacun·e d’entre nous s’est pris le tapis un jour ou l’autre. L’ego déguste et apprend ! », observe Marc. « Le titre du spectacle est COURBATURES, parce que c’est le nom de ce qu’on connaît le mieux », enchaîne Elice. « Les courbatures sont nos amies parce qu’elles sont la preuve qu’on a bien travaillé. Alors profitons de la puissance des groupes humains – en Cirque, en Musique ou dans la vie – pour avancer ensemble. » Et le trio lance un défi aux étoiles : « Chérissons ce que nous avons pu être, gardons bien en tête où ça nous a mené·es, et pour le temps qui nous reste, tâchons de mettre le feu ! ». 

 

 

————————————————

 

COURBATURES 

Galapiat Cirque 

 

A découvrir @ UP – Circus & Performing Arts 

 

  • Jeudi 3.04 à 20h 
  • Vendredi 4.04 à 20h 
  • Samedi 5.04 à 19h 

 

>>> Infos & Tickets : CLIQUEZ ICI 

18.03.2025
Résidence

Résidences d’Hiver – la Création nous réSHOWfe.

27.02.2025
Spectacles

Voyage au pays de la jongle

25.10.2024
Création, Résidence

Assumer les corps fragiles, avec la Compagnie de Cirque “eia”