Avec OSTINATO, Akoreacro nous fait rêver toujours plus haut.
#Spectacles


La Compagnie Akoreacro a décidément l’art de toucher juste et fort. Après DANS TON CŒUR, qui avait mis tout le monde d’accord lors de sa visite à UP - Circus & Performing Arts à l’automne 2023, l’équipe revient pour dévoiler OSTINATO, un spectacle au rythme fou, qui traverse toute l’histoire de l’humanité en une heure quart ! Accrochez-vous à votre banquette, le Chapiteau de la Compagnie est une véritable machine à voyager dans le temps. Dans son moteur, on trouve un metteur en scène de Théâtre, lui-même tout ébouriffé : « Le Cirque a cette incroyable capacité de forger des histoires par d’autres moyens que les mots », observe Alexandre Markoff. « Et, sous son apparente simplicité, il peut aborder des sujets complexes. » Le tout livré avec une joie qui, en apothéose, fait se lever tout un Chapiteau. Incontournable !
C’est fait : la Compagnie Akoreacro, qui nous avait déjà régalés avec DANS TON CŒUR, pourrait officiellement postuler au Guinness Book. Non pas pour le nombre de palpitations par minute qu’elle donne à ses spectateurs (ce qui ne serait déjà pas mal), mais pour sa capacité à raconter une saga en un temps record. Rappelez-vous : DANS TON CŒUR, mis en scène par Pierre Guillois, nous dévoilait toute une histoire d’amour, de la rencontre à l’agrandissement de la famille et aux défis du temps qui passe, sans dire un mot ou presque. Cette fois, c’est carrément toute l’histoire de l’humanité que la Compagnie croque en une heure et quart. Des premiers élans préhistoriques jusqu’au rêve de voyage sur Mars, OSTINATO ne vous cachera rien des errances de notre espèce, incarnée par 13 Acrobates qui traversent les millénaires avec un panache aussi drôle que virtuose.
Comment est née cette nouvelle réussite? Le chic de la Compagnie Akoreacro, c’est de voir plus loin que le bout de son nez. Cette fois, elle a proposé à Alexandre Markoff, un metteur en scène qui n’avait quasiment jamais collaboré avec le monde du Cirque, de concevoir le spectacle avec eux. Scénariste de Cinéma, metteur en scène et auteur de Théâtre pour adultes et pour la jeunesse, Alexandre Markoff avait tout du novice en Cirque. « Je me suis même demandé s’il n’y avait une erreur de casting! », sourit l’artiste quand il se remémore la demande initiale de la compagnie. Tout indique que le choix était fécond. « Une histoire, c’est une histoire : seuls les moyens changent pour la raconter », observe Alexandre Markoff. Lors d’une précédente et brève incursion dans la création circassienne, il avait tenté de « plaquer » du texte sur les disciplines. L’expérience n’avait pas décollé. Riche de cet échec en quelque sorte, le metteur en scène a fait cette fois exactement l’inverse : « J’ai pris le temps d’observer le vocabulaire physique et d’écouter les envies techniques : bascule, portés, cadre coréen simple et double… Et je me suis mis à rêver à partir de là! »
C’est le pompon!
Pour le sujet, Alexandre s’est gratté la tête : « Après l’amour, qui bâtissait ‘Dans ton cœur’, qu’est-ce qui me restait? », raconte-t-il. « J’ai eu envie d’aborder quelque chose de plus général et de plus ambitieux – et donc assez risqué : qu’est-ce qu’un·e humain·e pris·e dans le fil du temps? J’ai visualisé une marche continue, où le groupe d’acrobates passerait de la préhistoire au Moyen-Âge, puis au Temps modernes, etc. Et surtout, j’ai pensé à un geste très simple : le fait d’essayer d’attraper quelque chose. De tout temps, l’humanité semble vouloir se dépasser elle-même. Dans le spectacle, cela s’incarne par un petit objet lumineux, planté en hauteur : on l’a appelé le pompon! » OSTINATO tenait à la fois sa structure et son titre : en musique, un « ostinato » est une figure obstinée, un passage mélodique ou rythmique répété plusieurs fois d’affilée. La métaphore idéale pour nos élans incessants vers l’inaccessible étoile!
Sur la Piste, on peut dire que la Compagnie fusionne avec son thème. Quel meilleur outil que le Cirque pour raconter nos désirs d’élévations et nos rêves d’aller toujours plus haut? Les premières lueurs du spectacle se confondent avec l’aube de notre humanité : une bande hirsute défile – on notera que les humains préhistoriques portaient déjà des chaussettes. Soudain, une humaine a l’idée d’attraper cette petite lumière qui brille, juste au-dessus de l’horizon. Quoi de mieux qu’inventer la figure de la « colonne humaine » pour tenter de l’atteindre?
Tout au long du récit, qui se présente comme un défilé marquant le passage du temps, le rêve d’envol va s’inscrire dans les agrès du cirque. Au Moyen-Âge, des tourelles de bois, que le groupe bâtit devant nous, se muent en cadre coréen. Autre temps, autre matériau : les Temps Modernes voient s’élever les gratte-ciels et la lutte syndicaliste, tandis que l’acier vient boulonner de nouvelles technologies. Le sommet des poutrelles forme un double cadre coréen, le tout livré avec une précision d’horloger. « Ce qui m’épate le plus face aux artistes de cirque, c’est la discipline des corps », s’enthousiasme Alexandre Markoff. « L’enjeu de notre travail collectif a consisté à légèrement secouer cette précision, pour aller vers des mouvements plus naturels, donc plus théâtraux. C’est paradoxal, puisque je les invitais à ne pas réussir du premier coup, à être moins parfait·e·s. Parce que l’histoire se raconte aussi à travers la nuance, qui demande au public de venir chercher l’info plutôt que de tout recevoir d’un coup. »
La simplicité pour dire la complexité
Méfiez-vous donc d’une lecture trop univoque de ce « pompon ». Sous la joie collective des acrobates, perce aussi la dualité de leurs personnages. Cette « inaccessible étoile » est-elle ce rêve qui nous tire vers le haut ou bien cette course au progrès qui nous mène au pire ? « Il est évidemment les deux. Ce paradoxe est celui de notre condition humaine », reprend le metteur en scène. « L’humain est à la fois bâtisseur et destructeur. Et c’est sans doute le propre d’une œuvre d’art de montrer les deux faces d’une même pièce. J’aime beaucoup l’idée que le Cirque puisse toucher la complexité avec les images les plus simples. Regardez Chaplin : 100 ans après ses premiers films, son propos parle toujours à tout le monde, de l’Angleterre à l’Iran. Est-ce qu’on peut faire quelque chose de plus fort? Être le plus simple possible n’empêche pas la complexité. Au contraire, cette simplicité nous permet de vibrer à l’unisson. »
Avec Akoreacro, la vibration est aussi musicale – comme chez Chaplin d’ailleurs. Les musicien·nes se mêlent directement à la bataille, et il n’est pas rare qu’un·e acrobate empoigne une flûte traversière, un violon ou tuba – ces humain·e·s sont décidément tout terrain. Le nom de la compagnie y gagne son explication : « Dans l’« akor » d’Akoreacro, il faut entendre « l’accord » musical », rappelle le metteur en scène. « Cela faisait partie des exigences de départ : les artistes sont acrobates et musicien·e·s. La musique ne doit pas être ajoutée par la suite. Elle est créée en même temps. »
Avec OSTINATO, le mélange des rythmes physiques et musicaux est particulièrement réussi. Cette fusion des sens élève peu à peu nos cœurs, nous réconcilie avec nos désirs d’envol et nous fait nous lever, dans un même élan, pour applaudir à tout rompre cette traversée hors du commun, aussi généreuse qu’obstinée !
OSTINATO est à découvrir sous Chapiteau @ UP – Circus & Performing Arts
ACCESSIBILITÉ :
Rue Osseghem, 50 – 1080 Bruxelles
Métro 1 – 5 * 2 – 6 | Station Beekkant
DATES :
- Mercredi 15.10.2025 à 19h
- Jeudi 16.10.2025 à 20h
- Vendredi 17.10.2025 à 20h
- Samedi 18.10.2025 à 19h
- Dimanche 19.10.2025 à 17h