Felipe Salas, l’enfant des rues devenu roi du Cirque.

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Il y a une phrase que je me répète tous les jours : « Ne renonce jamais ». C’est elle qui m’a porté depuis l’enfance », explique Felipe Salas, avec un sourire irrésistible. Cet acrobate de haut niveau, aujourd’hui célébré aux quatre coins du monde, n’est pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche. Pendant 8 ans, il a été un « gamines », un enfant des rues, dans sa ville natale de Cali, en Colombie. Un parcours hors normes qu’il nous a raconté, après ses cinq heures d’entraînement quotidien, à UP - Circus & Performing Arts. « Des endroits comme ceux-ci continuent à me faire grandir », dit-il. « Avec le Cirque, j’ai trouvé la famille que je n’avais jamais eue. »

Une enfance sombre – « du noir sur du noir », dit-il –, puis un âge adulte irradiant de lumière et de joie. Ainsi pourrait-on résumer l’incroyable parcours de Felipe Salas, cet acrobate colombien qui vit aujourd’hui à Bruxelles. Difficile d’imaginer que ce fort gaillard de 41 ans, souriant et débordant de projets, a connu l’enfance la plus dure. Et pourtant, de 3 à 11 ans, il a vécu seul dans les rues de Cali, sa ville natale. Puis, sur les conseils d’un ami, il s’est accroché au Cirque de toutes ses [petites] forces. Au fil d’un apprentissage opiniâtre, il est devenu le premier équilibriste professionnel de Colombie. Aujourd’hui, son talent est célébré tout autour du globe : il multiplie les cours et les stages, qu’il dispense jusqu’en Asie, tandis que son numéro sur cannes d’équilibre donne la chair de poule à tous les publics. « Deviens qui tu es », disait Nietzsche. Avec Felipe, cet art d’accéder à soi-même prend un sens tout particulier, qui touche au cœur.

Face à son agenda de ministre, pas facile d’attraper l’acrobate ! Seule solution : l’attendre en embuscade à la sortie de son entraînement, à UP – Circus & Performing Arts. Felipe s’entraîne cinq heures par jour. Cette rigueur intraitable, il la tient de l’enfance, explique-t-il. « Quand j’ai commencé le Cirque, j’avais 13 ans, c’était très dur. Je n’avais aucune condition physique. Je ne connaissais pas le principe de collaboration, à cause de la violence que j’avais connue dans la rue. J’ai compris que j’allais devoir travailler extrêmement dur pour y arriver. Je me suis accroché à mon rêve et j’ai répondu par la concentration et l’entraînement acharné. »

 

Seul sur les trottoirs

 

 

Comme des milliers de jeunes dans les grandes villes colombiennes, Felipe a été un « gamines », selon le mot espagnol, un enfant des rues livré à lui-même. Il quitte sa famille à 3 ans, fuyant la violence domestique de sa mère. « Il faut s’imaginer ce que représente l’éducation dans un contexte de guérilla urbaine. J’ai grandi dans un quartier très dur », rapporte Felipe. L’enfant y a risqué sa vie. Lors d’une ultime agression, sa mère l’a poussé par la fenêtre. Le petit garçon s’en sort avec un bras cassé et des cicatrices sur la tête. « Je suis parti de la maison. Oui, j’avais 3 ans, et je savais que je ne pouvais plus rester là-bas. » Felipe dormira huit ans sur les trottoirs, seul. « Sans chaussettes, sans pantalon, tout sale. Quand tu es un ‘gamines’, les passants se défoulent parfois sur toi, tu n’es rien, tu n’es personne. Et ça devient ton quotidien. C’est très dur de changer. Pourtant, je me disais toujours : « Oui, je suis dans la rue. Mais un jour je serai quelqu’un. Et je vais travailler dur pour cela. »

La lumière viendra du conseil d’un « grand » : « Un gars, comme un vrai frère, m’a parlé d’une institution où je pouvais trouver de l’aide. Il m’a dit : ‘Ta vie peut changer. Tu peux faire autre chose.’ C’était une maison pour les enfants qui avaient des problèmes de drogue, qui voulaient quitter le deal, ce genre de chose. J’y suis allé et ça a changé ma vie. » Felipe découvre le Foot et le Cirque, il a 13 ans. Il pratiquera les deux pendant 5 ans, deviendra le premier « gamines » à pouvoir dormir à l’institution et fera son choix : le Cirque. Il suit les cours de l’Ecole de Cirque social, à Cali. « Rien n’était gagné. Je prenais les remarques très durement. On me disait : « Ahaha ! Tu n’arriveras pas à le faire. Tu n’es pas beau. Tu es dégueulasse ! ». Mais à chaque commentaire, ma détermination ne faisait que grandir. À midi, on avait un break. Je ne m’arrêtais pas. Pendant 1h30, je continuais à m’entraîner. Le matin, je me levais plus tôt. Le soir, je m’entraînais aussi. Je travaillais sans rien, dans la cour de l’institution, sur les rochers. Pendant six ans, je n’ai fait que ça. En parallèle, j’ai étudié pour être prof de Cirque. Et je suis devenu l’un des ambassadeurs de l’école. »

 

 

Une guerrière venue du ciel

Felipe a gagné son visa pour le monde : jeune vingtenaire, l’acrobate virtuose est invité à se produire une première fois en Angleterre, puis rejoint une Compagnie pour une tournée-cabaret sur un bateau dans les Caraïbes et en Méditerranée. La fin de l’enfer ? « Mes retours en Colombie restaient très durs », répond Felipe. « Pour m’alimenter, j’avais une patate et un café par jour. Le samedi, j’achetais un pain. » Il ne veut pas retourner à la rue et prie les grands cieux de lui tendre la main. Le miracle aura lieu en 2008 : Felipe est invité à Cardiff, au pays de Galles. Là-bas, il se lie d’amitié avec la Compagnie NoFit State, avec laquelle il entame un long compagnonnage artistique.

Et Bruxelles, là-dedans ? « Emilie Guillaume, spécialiste belge des arts martiaux, est venue travailler avec No Fits Tate en 2011 », explique Felipe. Un coup de foudre plus tard [et beaucoup de défis administratifs], les deux tourtereaux vivent aujourd’hui à Saint-Josse, partageant leur passion pour l’acrobatie sous toutes ses formes. « On s’entraîne ensemble tout le temps ! Emilie a un niveau incroyable. C’est une guerrière souriante, elle est toujours forte. » Ensemble, ils sont retournés en Colombie. « Je lui ai montré Siloé, le quartier de Cali où j’ai grandi. Elle était fascinée. Nos enfances ont été tellement différentes. » Aujourd’hui, que ce soit dans les spectacles auxquels il participe, dans les cours qu’il donne ou dans l’aide qu’il apporte à sa famille, Felipe Salas veut partager ce qu’il a. « Je ne vivrais pas bien mon bonheur si ma famille avait faim », estime-t-il. « J’essaye de les aider. Je prends des nouvelles de ma mère. Je l’appelle ‘Mama’. Je ne lui en veux pas. Le Cirque m’a donné la famille que je n’ai jamais eue. J’ai eu cette chance et j’y trouve le courage de continuer. »

 

 

Visitez la page Facebook de Felipe : https://www.facebook.com/twohands.momento

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